Vous avez dit « projets » ?

Qu’ils soient personnels, familiaux, amicaux, professionnels, associatifs ; sportifs, culturels, éducatifs, pédagogiques ; pour le week-end ou la semaine ; pour le travail ou les vacances, des projets, j’en ai plein la tête, de quoi habiter joyeusement mon présent et décliner intensément mon futur.

Mais comment tout concilier, réaliser ? Comment, au rythme d’une course inévitable, du bus au métro au train à l’avion, éviter de rester en rade ?

On pense souvent qu’un projet s’élabore en ligne droite pour formaliser un avenir plus ou moins certain. Cérébral, il se programme sur un planing, s’alimente d’échéances, grandit d’autant mieux que des partenaires y adhèrent. Performant et tyrannique, « the » projet souhaite aboutir dans les limites d’un temps imparti, sans être contrarié.

A dire vrai, à penser mes projets ainsi, mon cerveau risquerait l’avarie ! Pour cause : sans montre ni agenda, tête en l’air, inapte à la projet attitude, je préfère naviguer à vue, barrer à babord de mes envies ou à tribord de celles des autres. Les projets irradient mon horizon. Mais, peu ambitieux, ce sont des petits galets qui jalonnent mon quotidien. Ils s’élaborent au jour le jour car les impondérables sont nombreux. Or, ce sont eux qui les enrichissent d’une saveur particulière.

Ces aléas m’imposent de me repositionner chaque matin sur la carte de mon existence. J’avance en veillant à ce que mes projets ne soient ni obsession ni prison. Rester perméable aux projets des autres ; veiller à ne pas me projeter sur les autres. Me déprojeter en somme… Etre au près de l’instant présent, tout comme les malades que j’accompagne.

J’essaie de maintenir le cap de mes désirs tout en étant attentive aux voix, parfois contraires, qui gonflent mes voiles : mon fils, mon mari, Sabine, Aurélie, Véronique… Avec tous ces chants, difficile de garder le nord ! Mais je reste sous leur charme car ce sont eux qui humanisent mon parcours .

L’objectif importe peu, finalement. Ulysse a bien mis vingt ans pour réaliser le sien ! La ligne droite est un leure qu’il est plus sain de ne pas gober. L’élan m’importe davantage, avec tout ce qui vient se greffer dessus de rencontres et de surprises.

A la boussole de mes envies, je ne cesse de barrer, au risque de me laisser surprendre, sinon égarer. Et c’est tant mieux. Aux risques d’en contrarier certains. Et c’est tant pis… J’ajusterai la voilure demain.

(Article pour L’inattendu, décembre 2009)

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
Ce contenu a été publié dans des Mots d'ailleurs. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Vous avez dit « projets » ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *