Voix d’ange

Volonté. 

Voilà un mot dont on devrait se méfier pendant quelque temps. Quelles sont les choses que nous ne faisons pas parce que nous n’en avons pas la volonté, et quelles sont celles que nous ne faisons pas parce qu’elles comportent un risque ?

Voici un exemple de ce que nous prenons pour « un manque de volonté » : parler avec des inconnus. Qu’il s’agisse d’une conversation, d’un simple contact ou d’une confidence, nous parlons rarement avec des inconnus. Et nous trouvons toujours que c’est mieux ainsi.

Au bout du compte, nous ne venons en aide à personne et nous ne sommes pas aidés par la vie.

Notre distance nous fait paraître supérieurs et très sûrs de nous. En réalité, nous ne permettons pas à la voix de la sagesse de se manifester par la bouche de l’autre.

Paulo Coelho, Maktub

Au cours de l’hiver de 1981, en se promenant avec sa femme dans les rues de Prague, le voyageur remarque un jeune garçon qui dessine les bâtiments alentour.

Il apprécie l’un de ses dessins et décide de l’acheter. Quand il lui tend son argent, il constate que le garçon ne porte pas de gants, malgré une température de – 5°C.

« Pourquoi ne portez-vous pas de gants ? demande-t-il.

– Pour pouvoir tenir mon crayon ».

Ils discutent un peu de Prague, puis le garçon propose de faire le portrait de la femme du voyageur, gratuitement.

Tandis qu’il attend que le dessin soit terminé, le voyageur se rend compte qu’il s’est passé une chose étrange ; il a bavardé avec ce jeune homme pendant presque cinq minutes sans que l’un parle la langue de l’autre. Ils n’ont eu recours qu’à des gestes, des rires, des mimiques ; mais la volonté de partager leur a permis d’entrer dans le monde du langage sans paroles.

Paulo Coelho, Maktub