Notre Noël avec Françoise, à son domicile, eut lieu bien avant l’heure, le dernier jour des vacances scolaires. Toute une organisation ! débordée que je suis, comme chacun d’entre nous. D’abord, récupération in extremis de son cadeau lors d’un Groupe de parole (merci Bénédicte et Emmanuel pour votre diligence!). Ensuite, me rendre au collège le matin-même avec, en guise de hotte sur le dos, son gros paquet bien lourd en bandoulière. Les mains prises de toutes parts avec mes sacs de cours, je souriais à la suggestion de ma référente : « Et si tu as le temps, n’hésite surtout pas à acheter une jacinthe ! ». Le temps, temps…, me dis-je en courant d’une salle de classe à l’autre, « Faut pas pousser mémé dans les orties », comme disait ma mamie…
C’est alors qu’ouvrant mon casier d’prof, je découvris, emballée, une petite douceur : « Mince, manquait plus qu’ça ! J’ai oublié le Santa secret entre collègues ! ». Et de recourir à midi jusqu’au Monoprix pour dénicher une bêtise à offrir. Le seuil du magasin franchi, toute une plantation de jacinthes m’accueillit, comme fait exprès ! Double joie ! Vite vite vite, de récolter, payer et repartir avec mes deux trésors sous le bras, l’un déposé dans le casier d’un prof, l’autre sur mon bureau, en attendant sa livraison à domicile…
« Madaaaame ! C’est quoi ces oignons ???, hurla (plus qu’elle ne parle) une élève en entrant dans la classe.
– Pas des oignons, une fleur voyons, une jacinthe.
– On vous l’a offerte ?
– Non, je vais l’offrir.
– À qui ?
– À Françoise, une vieille dame, très malade, qui est bien triste de passer toute seule les fêtes de fin d’année (oui oui, je n’en perds pas une pour Témoigner et Alerter…).
– Wahouuu…, alors, vous direz bonjour à Françoise de notre part !
– Promis ! »
Puis, la sonnerie retenti, de courir place de Clichy retrouver ma chère Françoise…
Le problème, chez Françoise, c’est que je passe toujours d’un extrême à l’autre : du bruit au silence, du froid à la chaleur, de la lumière à l’obscurité, de l’agitation à l’immobilité dans l’un de ses confortables fauteuils où, à chaque fois, je manque m’assoupir… Alors forcément, sans doute parce que je vieillis aussi, y a toujours un moment où il me faut lutter pour empêcher mon nez de piquer… Qu’elle ne rate jamais, observatrice qu’elle est derrière ses lunettes ! « Viens viens mon Chien, on va lui préparer une tisane… Elle est fatiguée…
– Mais non Françoise ! Je me repose juste un peu les yeux : je vous entends… », mais déjà elle ne m’entend plus, et de poursuivre son monologue dans la cuisine : « … tu vas voir, elle va s’endormir… ». Même pas vrai ! comme diraient mes élèves. Je souris à me demander qui prend soin de l’autre, qui est la personne accompagnée…
Sur le départ, je lui offre son colis. Françoise est ravie ! Des lumières de Noël pétillent son regard de joie, comme du champagne. Et bien plus encore quand… « Ah oui… J’allais oublier… »… de mon sac j’extirpe les « oignons » prêts à s’ouvrir, à rosir… « Magnifique !, s’écrie-t-elle, des jacinthes ! Mes fleurs préférées !
– Ah oui ! ? C’est vrai ?
– Mais oui, ce sont les fleurs de Noël ! »
Grâce soit rendue au Santa secret de mes collègues, à mon oubli, à une ultime course au Monoprix, source de tant de joie pour mes élèves comme pour Françoise. À moi aussi qui, de retour dans l’équipe Accompagnement des personnes malades après cinq ans d’absence, me rappelle Des fleurs avant du pain : la devise des Petits frères des pauvres que j’aimais tant.
Dimanche 25 décembre 2022
pour l’Équipe Accompagnement des Malades
– Petits frères des pauvres