Ensemble avec Marie, ensemble avec le Christ

« Au début de tout, la confiance »

« Bonjour à tous ! Salam Halikum ! » Sous le regard heureux et confiant de Mgr Claude Rault1, nous étions près de mille croyants, chrétiens et musulmans, réunis à l’église Saint-Sulpice, ce dimanche 6 février, pour la seconde manifestation d’Ensemble avec Marie2, afin de promouvoir le pluralisme religieux. Mieux : de l’accueillir. En chantant ensemble, en priant ensemble, en partageant ensemble des idées. Dans une écoute mutuelle, fraternelle. Faire connaissance pour mieux nous connaître, frères et sœurs nous reconnaître. Afin d’  « ouvrir des chemins d’espérance, afin de dessiner, par-delà nos différences, un destin commun », espère le théologien Abdelkader Oukrid3.

Chants, interventions, témoignages, forum organisé autour de douze thématiques touchant à la vie – saisie dans son ensemble (de l’attente d’un enfant à l’accompagnement du deuil, en passant par les questions, entre autres, du handicap, de la justice sociale et du mariage mixte) – animèrent un après-midi riche en temps forts. Car, « même si nous n’avons pas la même façon d’appréhender Dieu, c’est néanmoins notre foi en Dieu qui nous permet de nous réunir pour écouter Dieu » (idem).

Ensemble avec Marie… Marie, « une grande sœur dans la foi, affirme le pasteur Pierre Lacoste4. Ni un modèle, ni une sainte, mais une sœur dont l’expérience dérange et inspire, car elle reste celle qui cherche et donne un sens à ce qui n’en a pas, parce qu’elle est la première à risquer une interprétation de la Parole, la première à vivre – non point défiante, mais confiante – l’hospitalité spirituelle ». 

Marie…, jeune juive de Galilée, petit bout de femme pour nous rassembler… Véritable trait d’union entre chrétiens et musulmans, mentionnée 340 fois dans le Coran, bien plus que le prophète Muhammad, bien plus que dans les Evangiles. Marie, «modèle de foi et de confiance, signe de l’unité au fondement de l’humanité, telle qu’elle a été voulue par Dieu », poursuit Gérard Testard5.

Marie, contre le repli et l’asphyxie identitaires : l’ouverture, l’hospitalité humaine et spirituelle. « Maryam, explique l’écrivaine Karima Berger : la confiance à ce qui arrive, l’abandon gracieux à l’Invisible, qui rappelle l’injonction du prophète dans une église occupée : « Effacer toutes les peintures du mur, sauf celles de Maryam et Îsâ6 ! ». Maryam : son oui entier à la vie, la femme du tout début, du renouveau, qui redonne souffle par son souffle et favorise, par elle, en elle, à travers elle, l’écriture du divin. 

Du cœur effusif et rayonnant de Marie : « Frère, sœur, interpelle encore Karima Berger, ne prends pas peur quand dans mon cœur je lis les Evangiles, Marie dans tes écritures. Ce n’est pas de la profanation : je vois briller ce qu’il y a de plus beau ». Maryam-Marie, comme d’une « corde » à laquelle nous cramponner, à l’aube toujours renouvelée, d’un destin commun à nous forger, en prenant risque, avec foi, confiance et bienveillance, de nous rencontrer.

Qu’il fut beau de voir et d’entendre le récit de l’Annonciation psalmodié en arabe et en français, à l’ambon, par une musulmane et par un curé revêtus de leurs signes vestimentaires spécifiques. Saisissant. Sans oublier la chorale d’enfants, chrétiens et musulmans réunis, nous égayant entre deux conférences. Et enfin Al-Fatiha, la sourate d’ouverture du Coran, et le Notre Père – priés par les uns, puis par les autres, mais écoutés d’une seule et même oreille – résonnèrent sous les voûtes saint-sulpiciennes, s’élevèrent jusqu’au ciel.

« Non…, conclut Mgr Georges Ponthier7 dans un témoignage non programmé, spontané. Non…, en assistant à tout cela – chose inimaginable à mon âge – quoi qu’on en dise, le monde ne va pas vers le pire, mais vers le meilleur ! Et nous sommes heureux …, et cela doit faire plaisir au Bon Dieu… ».

***

Une semaine plus tard, c’est une autre découverte, source d’espérance, qui m’émeut au plus haut point – à la grâce, si j’ose écrire, du procès du père Hamel ; un procès, si j’ose écrire encore, en odeur de sainteté, la haine, « qui détruit notre humanité, notre liberté, notre fraternité »8 n’ayant pas eu son mot à dire : l’histoire de l’amitié improbable, incroyable, édifiante, qui lie, depuis l’assassinat barbare du prêtre, depuis la mort du meurtrier, un fils, un jeune homme fanatisé, radicalisé, qui n’avait pas vingt ans, Roseline Hamel et Mme Kermiche – la sœur de celui-là, la mère de celui-ci. Rencontrées, ré-unies dans leur douleur, au pied de leur croix. Ensemble avec Marie. Ensemble avec le Christ.

Pour les Cahiers de la paroisse Saint-François de Sales

1 Ancien évêque de Laghouat (Algérie)

2Mouvement d’Efesia, qui promeut la culture de la rencontre islamo-chrétienne, via la médiation de Marie, dont les principaux représentants ont été reçus pas le pape François le mercredi 2 mars dernier.

3Enseignant en Théologie, en Ethique et en Perspectives internationales à la Faculté de Philosophie du Centre Sèvres.

4Président de Commission pour les relations avec l’islam de la Fédération Protestante de France.

5Président fondateur d’Efesia, membre du comité européen de Ensemble avec Marie pour l’Europe.

6Nom coranique de Jésus, considéré comme l’avant-dernier prophète d’Allah et comme le Messie.

7Ancien archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France.

8Propos de Roseline Hamel, La Croix, mardi 15 mars 2022

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
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