De la fraternité assassinée à une fraternité réconciliée

Au sujet de la Déclaration des Evêques de France à nos Frères juifs

En ce temps où s’éteignent un à un les tous derniers survivants des camps de la mort, on ne pourra jamais oublier l’histoire effroyable de la Shoah, conséquence de la haine gratuite et  séculaire des Juifs. « La Shoah ne doit pas être oubliée », affirme le Pape François, « car elle est symbole du point où peut arriver la méchanceté de l’homme quand il oublie la dignité fondamentale de chaque personne ».

Or, aujourd’hui encore, les croyants de confession juive, qui représentent 1% de la population française, sont la cible de plus de 4 sur 10 actes de violence.

Aussi, après la Déclaration de repentance de Drancy (30 septembre 1997) qui concernait seulement les évêques ayant eu des camps dans leur diocèse, la Déclaration du 1er février se présente comme une réponse à la Déclaration juive pour le Jubilé de la fraternité à venir, remise par le grand rabbin de France au cardinal André XXIII en  novembre 2O15.

Ainsi, afin de lutter en faisant front et corps ensemble, une grande première s’est produite dans l’Eglise ce 1er février 2021 : la  Conférence des Evêques de France recevait dans ses locaux le grand rabbin de France Haïm Korsia ainsi que le Président du CRIF, M. Francis Kalifat, pour une séance de travail à l’issue de laquelle une Déclaration contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme, signée  par les évêques, a été remise solennellement au grand rabbin Korsia, à M. Kalifat et à M. Joël Mergui, Président du Consistoire. 


Cette Déclaration, pierre angulaire de toute fraternité réelle, s’inscrit dans une longue lignée de documents visant à apaiser les relations entre christianisme et judaïsme, initiée dans l’Eglise catholique avec le paragraphe 4 de la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965). 

Après tant de vicissitudes et de drames historiques, cette Déclaration veut s’inscrire dans la continuité  d’une fraternité qui se retrouve, ce qui est l’affaire de tous « au bénéfice de tous » (Haïm Korsia).

« Des pas franchis les uns envers les autres, les uns avec les autres », dit Mgr Moulins-Beaufort, afin de nous réveiller de notre indifférence envers nos « frères aînés dans la foi » (Jean-Paul II), de nous guérir, de nous préserver d’un antisémitisme rampant, sournois, toujours à l’oeuvre dans le contexte actuel, comme en témoignent les noms des douze personnes assassinées ces dernières années (torturées le plus souvent), égrenés par M. Kalifat – à commencer par le jeune Ilan Halimi : l’antisémitisme n’est pas de l’ordre des idées, il demeure une attitude qui tue.

Il n’est qu’à constater « les insultes sur les réseaux sociaux », ajoute Mgr Thibault Verny, « avec tous les préjugés qui reviennent en force ».

Comme le soulignait d’ailleurs notre Président dans son discours à Yad Vashem, le 23 janvier 2020  : « A chaque fois, dans notre histoire, l’antisémitisme a précédé l’effondrement. Il a dit notre faiblesse, la faiblesse des démocraties ».

Nos frères juifs ont reçu la Révélation qu’ils avaient pour mission de confier à leurs frères humains dans le monde. Ne nous y trompons pas, l’élection que le monde catholique semble parfois jalouser était une responsabilité de poids que le peuple juif a payé très cher au long des siècles.  Pourquoi de la jalousie ? Nous avons reçu la Révélation du Dieu Un, nous aussi, par nos frères juifs. Nous pourrions lui en être reconnaissant, « lui donner la main » (Armand Abecassis), car, au fond, ne serions nous pas  plutôt «  frères jumeaux » dans cette Révélation ? Le christianisme et le judaïsme ne sont-ils pas liés l’un à l’autre comme la branche greffée au tronc d’olivier ?

Comme l’a déclaré Mgr Moulins-Beaufort en ce 1er février 2021 : «Que les relations entre nous puissent appartenir presque au tissu ordinaire des jours suscite la joie parce qu’il s’agit toujours de la rencontre de deux frères, l’aîné et le cadet, tous deux issus du même père, tous deux nourris des mêmes sources initiales, deux frères qui ont été en rivalité profonde, qui apprennent à se regarder autrement et qui découvrent Celui qui les a engendrés dans une lumière nouvelle. Telle est notre joie ici et maintenant, en vous accueillant ».

L’évêque poursuit en citant les propos du père Stéphane Biaggi, ancien vicaire de notre paroisse, aujourd’hui curé à Ste Odile. Ce dernier commentait ainsi la recommandation de Gamaliel, au milieu du Sanhédrin, dans les Actes des Apôtres, à propos des relations entre les premiers Chrétiens et les Juifs : nous avons « pour espérance suprême que l’histoire des hommes a un même horizon, celui de la fraternité universelle d’une humanité rassemblée autour du Dieu Un et Unique ». Puis d’ajouter : « Ici, je me dois de témoigner de l’amour profond que nous portons au peuple élu à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la Tora, le culte, les promesses, les patriarches (Rom.9, 4-5) ; et pour nous dont est issu Jésus de Nazareth, surgeon sorti de la souche de Jessé (Isaïe, 11, 1). Car l’Evangile le proclame : « Le salut vient des Juifs » (Jean 4, 22) ». Et de conclure : « Ceci  fait que toute atteinte portée au peuple juif par les Chrétiens est une blessure que nous nous infligeons quelque part à nous mêmes, et qu’avec vous nous condamnons tout acte d’antisémitisme, d’où qu’il vienne » : Juifs & Chrétiens, c’est ensemble que nous sommes responsables du nom de Dieu.

Delphine Dhombres et Geneviève Girault

pour les Cahiers de la Paroisse Saint-François-de-Sales,

Mars-avril 2021

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
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