De la vie avant toute chose

Irai-je manifester ce 6 octobre contre, entre autres, la PMA pour toutes ?

Je reste heurtée, sinon blessée, par les mots d’hommes entendus ces jours derniers. Sinon des mots d’Eglise. Prophétiques, je ne sais, suivant peut-être moins Jésus que Cassandre, mais un rien réducteurs me semble-t-il.

En effet, de mon point de vue, pour la femme, la mère, la catholique que je suis, il me paraît que cette problématique relève moins d’«un désir », d’«une volonté», d’«un droit», d’«une prestation», d’«un projet» d’enfant (terminologie habillant d’une mode toute contemporaine un universel qui dépasse de bien loin nos simples « envies »), que du sens-même de la vie, de la vie d’une femme, qui est de porter la vie, de donner la vie, d’enfanter, d’élever et de chérir. De chérir la vie donnée. Plus qu’un « besoin » : le sens véritable de notre humanité. Nous sommes faites de, par, et pour cet acte merveilleux d’enfantement.

Sauf erreur de ma part, n’y a-t-il pas, dans la Bible, pire fléau, malédiction, que la stérilité, l’absence de descendance ? Raison pour laquelle Sarah donne sa servante Agar à Abraham pour obtenir l’enfant nécessaire, tout comme Ruth la moabite s’offre à Booz pour contenter une belle-mère sans héritier, sans protection. Et quid de Joseph et de l’Annonciation faite à sa fiancée ? Autant d’histoires, de filiations, déjà bien compliquées, dès l’origine, pour une société dite « traditionnelle ». Essayant, par tous les moyens, d’opérer tant bien que mal, malgré les préjugés de leur temps (une servante-objet ensuite abandonnée ; une étrangère ; une jeune fille hors mariage), quelques greffes pour corriger la nature, sinon l’Histoire, de l’arbre de vie. Arbre placé en bonne place au centre du Paradis.

« Ah, allez-vous me dire, mais ce n’est pas pareil ! ». Et puis c’est Dieu qui intervient. Pas l’homme !

Ce n’est jamais pareil.

A juste titre. Quoique. La science n’est-elle pas un don de Dieu ? A mettre au service de ?

De plus, l’objectif n’est-il pas le même ? Que nous soyons des vivants, pleinement ? Que nous ayons la vie, qui plus est, la vie en abondance ? A donner.

La maternité … 

Nous sommes biologiquement, psychologiquement, ontologiquement faites pour cela. C’est notre être-même, notre raison d’être profond. Porter du fruit. Être féconde. Avoir une famille, une descendance : ne sont-ce point-là nos schémas (conditionnements ?) ancestraux pour être heureuses, accomplies, comblées, justifiées dans nos sociétés, sinon sur cette Terre ?

J’imagine, moi qui ne peux pas avoir d’enfant et qui suis passée, il y a une dizaine d’années, avant d’adopter, par une PMA infructueuse (avec dons d’ovocytes), j’imagine qu’il n’y a pas de plus grand bonheur, pour une femme, que de porter la vie dans ses entrailles, que de donner la vie, que de chérir la vie donnée. Et le fruit de vos entrailles est béni.

Que de donner la vie.

Là où la PMA a échoué, le Christ m’a donné la grâce de vivre autrement (la douleur n’en est pas moins supprimée que ces débats ravivent). D’être féconde autrement. D’accoucher de la vie autrement. Voie moins « naturelle » que spirituelle.

Encore faut-il avoir une sacrée foi pour s’en contenter. Sinon s’en réjouir. Et parvenir à rendre grâce.

Mais si le Christ ne m’avait pas rejointe ? Si je n’avais pas été mariée ? Profondément chrétienne ? Si j’avais été seule ? Lesbienne ?

Aujourd’hui, je ne suis pas pour la PMA sans père, et encore moins pour la GPA.

Aujourd’hui, du fait de mon Chemin, cheminement d’une vingtaine d’années, je ne suis même plus pour la PMA tout court – que Ta volonté soit faite ! Et puis mon corps, passé et repassé entre toutes les mains, médicalisé, manipulé, trituré des années durant, en a pris un sacré coup dans sa féminité. Pour ne pas dire sa sacralité. On ne sort pas indemne, psychologiquement, de ces manipulations intimes et technologiques.

Cependant, je ne peux manifester contre, ne comprenant que trop, dans ma chair stérile, non pas ce « désir », mais ce besoin vital, cet élan vital, essentiel, qui fait corps avec le sens-même, profond, de la vie de la femme que je suis (dans un monde, par ailleurs, si pauvre en sens, si dépourvu de sens).

Je ne peux, non plus, manifester contre, n’ayant jamais pu dire que j’étais contre, que je ne la comprenais pas, à une amie (catholique, ayant pris ses distances depuis, à cause de cela, avec l’Eglise) qui est partie à l’étranger pour bénéficier d’un don et qui élève seule ses jumeaux.

Je ne peux que me tenir à ses côtés. Je ne peux qu’accompagner, comme j’ai accompagné, alors, ses souffrances sur des années. Puis son immense bonheur.

Je reviens à ces mots entendus. A ces mots d’hommes et d’Eglise. Toujours surprise par le constat d’un grand absent : le mot amour. Qu’on balaie un peu trop facilement en affirmant que là n’est point la question (ah bon ?). L’amour, donc, fondement essentiel de toute famille. Terreau essentiel à l’épanouissement de tout enfant. Ce grand absent, l’amour fécond, la fécondité de l’amour, le fruit de l’amour – comme s’il n’était l’apanage que des couples hétérosexuels ?

Plutôt que de juger, accompagner, avec humilité, la liberté de conscience des unes et des autres. En conscience des problématiques, des ambiguïtés et des difficultés soulevées par le projet de loi.

Accompagner. Dans l’amour, la confiance et l’espérance. Des histoires, comme des filiations, pas toujours, mais souvent compliquées. Pour des enfants qui n’en demeureront pas moins don de vie et d’amour. Donc enfants de Dieu.

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
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2 réponses à De la vie avant toute chose

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