Ah qu’elles étaient loin les Tours de la Défense !

Ah qu’elles étaient loin les Tours de la Défense, nos prouesses architecturales et technologiques !

J’ai adoré mes journées passées à N’Deugou. Tellement différent, tellement autre.

Cependant, les bonheurs récoltés n’étaient pas là où je les attendais (comme toujours d’ailleurs, c’est la vie !).

J’ai souhaité apporter mon petit bagage de prof. Mais cela s’est révélé moins aisé que je ne le pensais et ce, malgré la sympathie de l’enseignant qui m’a accueillie. Forcément. Ce n’est pas évident de se retrouver entre collègues. Lui prof dans la brousse, moi à Paris. Forcément. Malgré ma vigilance et mon ouverture, je pense que j’ai débarqué avec mes a priori, mes projets, mes méthodes, des idées préconçues. Trop « professionnelle ».

Alors, évidemment, j’ai été destabilisée par le niveau, le manque de moyens, les méthodes orales. A vouloir (trop) bien faire, je me suis rendue compte que les enfants ne comprenaient pas vraiment ce que je racontais. J’ai même commis quelques erreurs tant j’étais déboussolée… Je n’ai rien fait du « tout » que je pensais réaliser.

C’est même plutôt moi qui ai fait l’apprentissage du « rien ». Du pas grand chose… à l’essentiel, il n’y a qu’un pas.

Retour vivifiant à une certaine simplicité, rusticité où les gestes quotidiens, comme d’aller chercher de l’eau au puits, ont quelque chose d’ancestral. On ne vit pas, on n’avance pas au même rythme.

En fait, les plus beaux moments passés avec les enfants furent en dehors des cours « officiels ». Ils souhaitaient non que je leur fasse de la grammaire, mais que je leur apprenne des chansons françaises ! Ce que je n’avais évidemment pas prévu ! Alors, après les classes, nous avons improvisé une petite chorale pour apprendre dans la joie et la bonne humeur les paroles de « Aux champs Elysées », avec claquements de doigts et déhanchements ! Irrésistible !

J’ai aussi beaucoup aimé un cours de géographie, dispensé de façon informelle au chef du village ou aux enfants, dans la case où je logeais ou sous l’ombre des acacias. Ils ont aimé, entre deux continents, fouiller dans mon sac, essayer mes crayons, découvrir les différentes cartes de crédit, vitale, pass navigo et autres nichées dans mon portefeuille.

Au début de mon séjour, je me cachais pour réaliser de menues actions qui leur paraitraient étrangères. Par respect. Et puis, je les ai faites ouvertement, me disant que c’était le partage de ces différences qui resteraient peut-être le plus intéressant dans l’approche de l’autre. Alors, nous avons vécu de joyeux brossages de dents, à la nuit tombée, près du puits ; des filles, bien que grimaçantes, ont eu la curiosité de goûter les figues de barbarie qui séparent les parcelles cultivées, mais qui me régalaient, moi, tous les matins.

… Pour sûr, il m’a été plus difficile de rentrer que de partir…

(Compte rendu de ma semaine au Sénégal – octobre 2010. E-letter pour Solidarité ENfance Sahel)

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
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