Chuuuuuut …

Lors de mes visites à Fresnes, il m’arrive régulièrement de rencontrer des personnes pédophiles, des « pointeurs » comme on dit là-bas. Forcément : je rencontre les plus isolés et, eux, ils refusent carrément de sortir de leur cellule, d’aller « en promenade », question de sécurité … ne pas être tabassés, violentés par les autres détenus. La lie du peuple carcéral, comme de la société. Autant se suicider.

Entre déni et souffrance, incompréhension, honte et désespoir, à chaque visite je les quitte avec davantage de colère contre une société qui fait de la pédophilie un tabou, et tant de victimes.

Le-mot-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.

Aussi, en amont, avant le passage à l’acte, absence de mots, de prévention, de parole, d’espace de parole, d’écoute, de sensibilisation, comme de prises en charge sérieuses en aval, que sais-je encore, pour une attirance, une pulsion maladive, des attouchements aux viols plus répandus qu’on ne le pense (n’ai qu’à relire le passé, tendre l’oreille, et puis, un jour, je découvre, on apprend, entre deux portes, d’une gêne confiant à un point d’interrogation que …, eh bien oui, dans la famille, chez des amis, des élèves…, mais chut, hein ? qui l’aurait cru ? Mais que faire ?). On ose alors, avec peine, sortir du silence, de l’omerta d’la honte – sauf quand, par exception, il y a matière à scandale médiatique.

Il y a quelques années, j’assistais à des cours dans quelque pays d’Afrique. Une salle rudimentaire, des bancs en bois, à gauche les filles, à droite les garçons, de sept à quinze ans, tantôt joyeux tantôt sérieux dans leur boubou coloré. Un jour, par une fin d’après-midi ensoleillée, après un cours de grammaire : séance d’éducation morale (« moeurale »). Sans Powerpoint ni « intervenant extérieur » professionnel, le maître sensibilisait, conseillait, avertissait, mettait en garde tous ces petits chaperons rouges avec des mots très simples.

Je ne sais … on pense tout régler, avoir tout réglé, par la seule condamnation, une fois le mal fait ; on pense qu’il n’y a rien à faire, quand tout reste à faire, à dire, à écouter, à prévenir, à accompagner, à protéger, à soigner.

A propos Delphine Dhombres

Née en 1975. Oblate bénédictine, bénévole d'accompagnement Petits Frères des Pauvres à la prison de Fresnes, catéchiste, coordinatrice du Dialogue interreligieux (paroisse Saint-François de Sales, Paris XVII) & professeur de Lettres modernes en banlieue parisienne (92).
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